La Nébuleuse

Traversée de l'Atlantique sur la Nébuleuse. Départ de Paimpol le 1er décembre 2024. Arrivée à Salvador au Brésil vers la mi-janvier 2025.

Où est la Nébuleuse https://www.vesselfinder.com/fr/?mmsi=228280600

La Météo Windguru

Site de La Nébuleuse https://www.voilestraditions.fr/bateaux/la-nebuleuse

04-10-2024

07-10-2024

Le 9 juin 2024 avec Cédric Lagrifoul, capitaine de La Nébuleuse

Article d'Annick Guillemot publié le 23 juil. 2024 par La Presse d'Armor.

Au port de Paimpol, La Nébuleuse se prépare à un voyage extraordinaire. Tout juste sorti de six mois de chantier, le voilier traditionnel La Nébuleuse, ancré depuis 25 ans au port de Paimpol (Côtes-d’Armor), se prépare pour une double transatlantique.

À 75 ans, La Nébuleuse, ancien thonier de Camaret, devenu le voilier phare de Voiles et Traditions à Paimpol (Côtes-d’Armor), va prendre la mer en décembre pour une double transatlantique qui durera trois mois et demi.

Après un chantier de restauration de six mois au port de Paimpol (Côtes-d’Armor), le voilier traditionnel La Nébuleuse a repris la mer fin mai. Dans quelques mois, il partira pour un voyage extraordinaire de l’autre côté de l’Atlantique. Cap sur le Brésil ! 

Depuis sa remise à l’eau, le navire amiral de l’entreprise de transport de passagers Voiles et Traditions, navigue à la journée dans l’archipel ou pour de petites et moyennes croisières : trois semaines entre l’Irlande et l’Écosse au cœur de l’été, un tour des îles bretonnes à la fin août. Mi-juillet, le bateau a participé aux grandes fêtes maritimes de Brest et Douarnenez.

Mais le grand voyage annoncé, jamais encore réalisé, sera la double transatlantique prévue en fin d’année. Cap sur le Brésil. Une croisière hors normes pour le vieux gréement paimpolais de Cédric Lagrifoul, son propriétaire : trois mois et demi de navigation à la voile entre décembre 2024 et mars 2025.

Le navire hauturier est homologué pour toutes les mers du monde et il a fait ses preuves de navigabilité lorsqu’il pêchait dans l’Atlantique Nord à la saison des grosses dépressions. Ses 30 tonnes de plomb sur ses 92 tonnes de poids total, lui assurent une belle stabilité.

L’aventure de la « transat » est pourtant une première pour le navire de 75 ans d’âge, qui aurait pu continuer à vivre sa petite vie tranquille de vieux gréement voguant dans les eaux familières.

L’idée est venue de la rencontre entre le patron de La Nébuleuse et un planteur de cacao au Brésil à la recherche d’un « mode de transport bas carbone pour sa production vendue en France ». Hélas, le producteur n’a pas donné suite, mais Cédric Lagrifoul a poursuivi son projet d’associer à l’ADN du navire – la navigation à la voile pour passagers -, l’activité de fret pour un voyage vers les mers lointaines. « Ce n’est pas la vocation du bateau de ne faire que du transport de marchandises. »

Au sein de Voiles et Traditions, on est tous dans l’amour de l’humain, ce qu’on aime c’est partager la navigation à la voile et la vie à bord. Un tel voyage est économiquement plus envisageable avec du fret. Le bateau qui embarquera douze passagers maximum (et « il ne reste que cinq places », prévient le capitaine) est donc « en recherche active de partenaires. On peut charger 10 t de fret dans les cales, à l’aller comme au retour. »

Pourquoi pas faire voyager du vin ? Cacao, café ou pourquoi pas du vin ? « Cela pourrait être un fret qui reste à bord, comme le Bordeaux Retour des Indes d’autrefois », sourit Cédric Lagrifoul. Au XIXe, faire voyager le vin a été une mode lancée dans le Médoc, par un propriétaire de vignes. Revenant des Indes avec une cargaison invendue, il avait remarqué qu’elle s’était bonifiée après 20 000 km en mer. Le voyage de La Nébuleuse attirera donc peut-être quelques producteurs d’un côté ou l’autre de l’Atlantique, rajoutant des escales à son aventure qui se prépare activement.

Si le bateau est connu pour être performant et rapide (« il a plusieurs fois égalé les 12 nœuds sans le courant »), l’avancée du périple a été calculée sur des prévisions pessimistes, « en dessous de sa moyenne normale de 7 nœuds », explique le marin. Une garantie contre les mauvaises surprises et pour une navigation sans risque. « On attendra s’il le faut à la pointe de la Bretagne, par exemple, pour ne pas être secoué dans le golfe de Gascogne. »

À bord, l’équipage sera constitué de trois marins de l’entreprise dont Cédric Lagrifoul. Douze passagers devraient embarquer début décembre au port de Paimpol.

Noël et Jour de l’an à bord

À l’aller, des escales de 2 ou 3 jours sont prévues à Madère, aux Canaries, au Cap-Vert avant le passage de l’Équateur. Noël et le Jour de l’an se fêteront à bord, le champagne est déjà prêt… L’arrivée au Brésil est fixée au 15 janvier.

Le navire dispose de moyens sophistiqués pour l’aventure qui l’attend. Balises de détresse, matériel d’oxygénothérapie, moyens de communication satellitaire qui permettront aussi de partager le voyage sur les réseaux de Voiles et Traditions. Pour l’heure, la préparation se poursuit : « On continue d’améliorer le bateau, on prévoit des hydrogénérateurs pour produire de l’électricité quand on sera à la voile, un petit portique pour poser la bôme et mettre une voile de cap… »

Chacun participe à la vie collective 

À bord, l’aventure sera aussi humaine et collective. Les passagers partageront totalement les manœuvres des voiles, les quarts… « C’est ça que viennent chercher les gens, le navire et l’ambiance sont attachants parce qu’il n’y a pas un carré pour l’équipage d’un côté, et les passagers de l’autre. Chacun participe à la vie collective mais sans la promiscuité totale. » L’intérieur du vieux thonier a gardé ses couchettes d’autrefois, sortes de lit clos à la bretonne avec volet ou rideau.

On n’est pas dans le train couchette mais pas non plus dans les cabines d’un Costa… Entre les escales, la vie à bord sera occupée par l’observation du plancton, des relevés de température, la manœuvre des voiles, l’apprentissage de la navigation astronomique, etc.Parmi les passagers déjà inscrits pour cette croisière inoubliable, « la moitié connaît déjà le navire et a navigué dessus ». La Nébuleuse provoque un phénomène d’accoutumance. L’ambiance à bord, le confort et la stabilité du navire jouent beaucoup, comme ce que l’équipage imprime dans le collectif.

À Voiles et Traditions, glisse le patron, « on est tous sur la même longueur d’onde, la réussite d’une sortie en mer à bord de La Nébuleuse est collective, dans le partage, c’est la même chose pour une entreprise, chacun a son poste. » À la journée, pour quelques semaines ou pour trois mois de mer, le voyage est « une découverte à chaque fois passionnante avec différents passagers, lieux, situations. On est tout le temps en train de tirer le meilleur de toutes les situations, dans le lien avec ceux que l’on accueille. »

Si des contacts pérennes sont noués pour du fret à la voile, la double transatlantique pourrait se renouveler. « C’était le projet de départ, faire le voyage tous les ans avec du fret de cacao. Cela dépendra de la demande et des passagers », glisse Cédric Lagrifoul. Le capitaine se verrait bien proposer un autre rêve maritime : gagner les Marquises sur les traces de Jacques Brel…

Source : https://actu.fr/bretagne/paimpol_22162/au-port-de-paimpol-la-nebuleuse-se-prepare-a-un-voyage-extraordinaire_61343455.html

26-11-2024

Avec Laurent et Ophélie équipiers de La Nébuleuse au Ker Breizh à Nantes le 26 nov

28-11-2024

Télégramme du 28 novembre 2024

29-11-2024

En orangé, le parcours aller avec escale à Madère et au Cap-Vert

30-11-2024

C'est parti ! pour le tour du monde

Embarquement sur La Nébuleuse à Paimpol 

Briefing avant le départ 

01-12-2024

05-12-2024

Dimanche 1er décembre 2024

Il fait encore nuit quand La Nébuleuse largue les amarres du quai de Paimpol, saluée par quelques mains matinales. Après l'écluse, le bateau s'avance prudemment entre les perches pour chercher une aire permettant de hisser les voiles. Cette opération nécessite une bonne heure. Les nouveaux équipiers tirent en rythme sur les lourds cordages pour établir la grand-voile immense, le foc rouge à l'avant et le tape-cul à l'arrière. La quatrième voile, le flèche, reste dans son sac pour l'instant.

Dirigé par Cédric, le capitaine, le bateau se faufile entre les îles de l'archipel de Bréhat. A la sortie, le vent est contre nous, nous forçant à solliciter le moteur pour se démancher le plus rapidement possible.

Le déjeuner est pris sur le pont. L'après-midi, des ondées nous poussent à tester le confort de nos bannettes, certes exiguës, mais un cocon dans lequel nous nous sentons mieux allongés...

A la fin du dîner pris dans le carré, j'ai des bouffées de chaleur et me sens épuisé. La vaccination COVID, réalisée il y a trois jours, exerce sans doute ses effets désagréables qui me poursuivront encore pendant 48 h. Martine n'est pas plus vaillante, car elle a emporté un virus de rhinotrachéites qui ne la lâche pas...

A minuit, le bateau contourne Ouessant et entame sa descente dans le golfe de Gascogne vers la pointe Finistère espagnole. Le vent ne nous aide pas beaucoup et force le moteur à rester actif.

Mercredi soir, nous atteignons la pointe espagnole, puis descendons le long de la côte Ouest.


Aujourd'hui jeudi, nous faisons étape près de Vigo pour une nuit.

Les prévisions météo annoncent pour samedi un vent musclé de force 7 avec des rafales de force 9 dans la bonne direction, et des vagues qui vont nous pousser vers les Canaries, notre étape suivante. Plus au Nord en Grande Bretagne, l'anémomètre pourrait grimper jusqu'à 160 km/h !

Le capitaine est confiant dans son bateau qui en a vu d'autres. Ces prévisions ne lui font pas peur. Mais, nous allons bien arrimer tous les objets qui risquent d'être transformés en projectiles en enjambant la crête des vagues de 4 m et en enfournant dans les creux. 

Avec une voile d'avant, comme en cas de fuite, le capitaine promet une bonne moyenne à la voile !

A Cangas près de Vigo, pour une pause de 24 h qui nous permet de donner des nouvelles à nos proches.

06-12-2024

Tapas sur le port

Dîner avec des échantillons de la cuisine espagnole 

Vendredi 6 décembre

Nous prolongeons notre étape à Cangas d'une journée pour réparer quelques bricoles. La météo se présente bien à partir de demain pour nous pousser vers les Canaries.

Nous pouvons ainsi retrouver les plaisirs de la douche et des petits déjeuners tranquilles. Lionel, qui joue le rôle du bosco, nous encourage à profiter des activités terrestres et à manger à terre. Nous avons donc goûté à plusieurs spécialités : la tortilla, le poulpe, les pétoncles ... et les oreilles de porc. Le marché hebdomadaire et une brocante se tiennent sur la jetée. Mais nous avons renoncé à acquérir des antiquités locales, car le capitaine ne semble pas d'accord pour les charger sur le bateau !

Le soleil descend vers l'océan. Les lamelles nuageuses annoncent un changement atmosphérique. Demain, ce décor tranquille se métamorphosera en un coup de vent hivernal qui balaiera notre esquif vers les tropiques.

07-12-2024

L'exiguïté des bannettes fait partie du charme de la vie du vieux thonier, un inconfort tout relatif comparé à la vie des marins qui partaient et qui partent encore aujourd'hui en campagne de pêche.

La notre est assez spacieuse et mesure environ 2 m par 1.3 m. Mais il faut aussi y placer nos deux sacs. Nous disposons d'une lumière et d'une prise 220 V. Une poutre centrale me redit souvent que je suis grand, même assis.

Pour y accéder, je baisse la tête, je prends appui sur la bannette inférieure avec mon pied gauche, je cherche le coin de la table à cartes avec mon genou droit en essayant de ne pas écraser l'ordinateur du capitaine. Enfin j'essaie de m'élancer sur le matelas. L'opération se complique quand la gîte s'en mêle.

Pour les quarts de nuit, Martine et moi avons été sélectionnés pour celui de minuit à 3 h avec Nicolas et Michel. C'est l'un des quarts les plus amusants. A peine étreints par les bras de Morphée, la sonnerie agréable du réveil nous rappelle notre devoir. Il faut enfiler la salopette, le ciré, les bottes, le gilet, le bonnet et les gants pour rejoindre notre poste sur le pont et s'attacher à la ligne de vie. L'essentiel du travail consiste à chercher l'émergence de sous-marins non repérés par l'AIS. Il se pourrait aussi que des voiliers antiques, sans AIS, se mettent sur une route de collision. Il y a aussi parfois les manœuvres qui sollicitent de nombreux bras.

Quand l'équipe de relève fait surface à 3 h, nous rejoignons notre bannette avec un plaisir non dissimulé.

13-12-2024

Les bruits dans le bateau 

A l'oreille, on comprend le comportement du bateau.

A chaque mouvement de roulis, les bois se tortillent et craquouillent comme quand on marche sur un vieux plancher. 

L'écoulement de l'eau le long de la coque et le vent créent le rythme.

Les cordages couinent en se tendant et en se détendant. Je crois aussi distinguer des bêlements venant de coulissements hésitants, ou des bruits comme des portes qui grincent. Des aboiements de chiens se font parfois entendre quand deux pièces de bois frottent l'une contre l'autre. Des cris stridents de mouettes, des croassements de corbeaux ou d'autres oiseaux peuplent l'environnement marin. 

Ça va toi ? 

Ne t'inquiètes !

Des assemblages de sons peuvent faire croire à des mots, des phrases ou parfois des rires. Pas étonnant donc de croire entendre aussi des voix d'outre-tombe.

Parfois, une voile claque en indiquant que le bateau s'écarte de sa trajectoire. Elle faseye et se regonfle d'un coup. Mais il faut éviter l'empannage involontaire de la grand-voile qui peut casser le gréement et qui est dangereux pour les équipiers se trouvant sur la trajectoire des écoutes. 

L'hydrogénérateur participe à la musique du bord et change de note en fonction de la vitesse, comme la dynamo sur un vieux vélo. Quand le son se stabilise à une fréquence haute, le bateau n'est plus freiné par les vagues et va plus vite. Il est la seule source d'énergie électrique naturelle du bateau.

A intervalles réguliers, le redémarrage du moteur pour compléter le rechargement des batteries brise le charme en rappelant notre dépendance aux énergies fossiles.

Le pilote automatique est bruyant. Les tuyaux pneumatiques passent dans notre bannette. Martine a l'impression qu'on lui joue du clairon devant son oreille droite et préfère pivoter pour mettre la tête de l'autre coté.

De la cuisine, nous parviennent parfois des exclamations quand un plat a pu s'échapper des mains.

C'est pas simple la vie de marin !

Mardi 10 décembre

Une poulie en bois s'est cassée sous un grain. Un coup de vent nous a surpris en fin de manœuvre de fixation du foc blanc. Sous les efforts d'arrachement, la poulie a cédé et nous a forcés à rentrer la voile qui venait d'être installée.

La voile du tape-cul s'est déchirée sur toute la hauteur pendant une prise de ris obligeant à l'enlever pour la faire réparer par un voilier plus tard.

Ho hisse, ho hisse, rythme Vianney pour hisser les voiles. 

Pour réussir les manœuvres, des petits groupes conjuguent leurs forces.

Pour la grand-voile, il faut une équipe pour hisser le pic et une autre pour hisser le mât. 

Mercredi 11 décembre

Au dîner dans le carré, nous évoquons les fêtes de Noël et du passage de la ligne de l'équateur. Pour Noël, Thierry parle de guirlandes et de crèche. Nous devrions être au Cap-Vert à cette date.

Pour le passage de l'équateur, 3 membres ont été nommés dignitaires de la cérémonie puisqu'ils ont déjà franchi la ligne en bateau : Nicolas, Lionel et Thierry. Nicolas venant en premier puisque cet honneur revient à celui qui l'a franchie à la voile. Ils vont préparer en secret les épreuves auxquelles nous serons soumis, genre bizutage.

Le ciel est un spectacle permanent qui ne me lasse pas. Je peux le contempler comme un enfant hypnotisé par sa série préférée.

Des formes se dessinent avec des superpositions de nuances de couleurs avec une dominance de blanc, de gris et un soupçon de doré dans la soirée. 

Les volutes légères sont poursuivies par les cumulus menaçants. Le tableau se complète par des tubulures et des tâches d'encre maladroites.

Je voie des sculptures éphémères : Obélix qui vole, un éléphant, un rhinocéros, un ours blanc, un chien, un bibendum Michelin, une barque emportant différents personnages, un requin, un hippocampe, des icebergs, des dentelles, une soucoupe volante, un moulin à vent, le Concorde ...

Des arcs-en-ciel à répétition nous autorisent à formuler de bons voeux pour la suite de notre aventure.

Jeudi 12 décembre

Le vent du Nord nous oblige à nous écarter de la route droite vers les Canaries qui se trouvent plein Sud pour éviter l'empannage vent arrière.

Plus d'eau au robinet ! Après le transfert de la réserve d'eau dans la cuve, le circuit s'est désamorcé. En attendant, nous trouvons un peu d'eau dans le fond de la bouilloire pour le petit déjeuner. Thierry était en train de se savonner sous la douche quand l'eau s'est arrêtée. Il sent bon le savon maintenant !

Le soleil devient plus présent. La crème solaire s'avère indispensable pour les séjours prolongés sur le pont.

Le moteur ne fonctionne plus ! Des goujons de la pompe à injection se sont cassés. Nous devons nous satisfaire du vent faible pour faire avancer le bateau. L'arrivée au Canaries semble retardée.

Lionel exerce ses talents de mécanicien pour tenter de réparer. Comme il est aussi responsable de la cuisine, nous faisons tout pour lui faciliter la vie pour espérer ne pas mourir de faim et de soif sur notre bateau.

Les korrigans ont réussi à faire la cuisine sans eau ! Merci à l'inventeur des boîtes de conserve. 

Les petites vagues ballottent le bateau et la grand-voile oscille autour du mât en grinçant d'un air inquiétant. Les mouvements du bateau n'ont plus d'effet inconfortable sur notre organisme qui s'est habitué à être chahuté.

En début d'après-midi, le moteur est réparé provisoirement et prend le relais du vent pour nous pousser vers Tenerife, l'île des Canaries où nous pourrions trouver des mécaniciens et des voiliers pour réparer nos avaries.

La mer calmée nous offre un confort bien mérité après ces premiers jours de navigation. Je ne me lasse pas de regarder le spectacle de la mer et du ciel tout en écoutant les histoires de Gérard.

J'ai répété la chanson Loguivy-de-la-mer avec Thierry en écoutant sa version enregistrée et en reprenant les paroles sur une feuille humide qui a subi les outrages des pluies dans sa bannette. Il nous faudra encore quelques répétitions pour être au point.

L'apéro du soir servi sur le pont scelle le rythme sympathique qui s'est installé au sein du groupe. Chacun participe de bonne grâce aux tâches en fonction de ses compétences et de ses agilités sans esprit de rivalité. Et tous sont aux rendez-vous des quarts sur le pont pour assurer 2 périodes de 3 heures afin de surveiller la bonne marche du bateau.

Le calme de la mer et la douceur des températures nous permettent d'oublier nos lourds vêtements marins. Mais il n'est pas encore venu le temps d'enfiler un short. Demain soir, nous devrions être à Tenerife.

Vendredi 13 décembre

La journée commence par le quart de minuit à 3 h, comme d'habitude. Les éclats d'un phare nous signalent une terre sur notre bâbord. C'est un îlot appelé Ila Selvage, la première terre après 6 jours de navigation. Il abrite une station d'observation astronomique. Son point culminant se situe à 136 m. Il vaut donc mieux le contourner prudemment. 

La lune éclaire puissamment notre environnement et relègue les étoiles. Je teste pour la première fois une application qui donne le nom des étoiles et des planètes en pointant le téléphone dans leur direction. Nous repérons ainsi Mars et Jupiter. Vénus est déjà couchée sous l'horizon. La Grande Ourse commence à s'enfoncer dans le Nord et disparaîtra complètement quand nous serons dans l'hémisphère Sud.

En montant sur le pont ce matin, je découvre l'île volcanique de Tenerife qui se profile au loin à 55 milles avec un sommet culminant à 3500 m de hauteur. La brume l'enveloppe, lui conférant alternativement un profil alpestre avec des pentes raides tombant à pic dans la mer, ou l'illusion de fumées d'une éruption volcanique. 

La température est douce. Quelques volutes de nuages grisés flottent au-dessus de l'océan.

Les ateliers de bricolage occupent les uns et les autres. Une poulie grippée par le sel, un tuyau à repêcher dans une citerne d'eau, une ligne de pêche à démêler...

Le plaisir de la navigation est au rendez-vous. La progression entre les temps hivernaux et ce retour au printemps participe à la bonne humeur générale.

L'étape aux Canaries pourrait se prolonger jusqu'à mardi ou mercredi prochain en fonction du dynamisme des mécaniciens et des voiliers.

14-12-2024

Quinze marins partis du port
De Paimpol, ils ont démanché 
Au moteur, traversé le Gascogne 
En Galice, ils ont réparé.

Repartis avec le vent du Nord, 
Laissant le Portugal à bâbord
Toutes voiles dehors, 
Aux Canaries, ils ont réparé.

Tirant sur les rames du bord 
Au Sud, ils se sont dirigés 
Avec le chef à la godille
Au Cap-Vert, ils ont réparé 

En profitant des alizés 
L'équateur ils ont traversé 
Le pot au noir, ils ont nagé 
A Salvador, ils ont réparé 

La suite de cette histoire 
n'est pas encore écrite 
Mais à la fin de l'hiver
A Brest, sûr ils vont réparer 

15-12-2024

L'arrivée à l'île de Tenerife est un grand moment de notre épopée. En dinant sur le pont, nous découvrons que les formes massives de la pointe Nord-Est se révèlent être des façades verticales, arides et inhospitalières. Pas âme qui vive sur cette haute falaise sur laquelle je crois reconnaître le rictus moqueur d'un géant. 

En doublant le cap, nous tombons nez à nez avec des cargos en attente de déchargement qui font sonner leur grave sirène quand La Nébuleuse passe trop près.

Puis les lumières de Santa Cruz illuminent ce versant de la côte moins raide. Nous descendons les voiles dans l'obscurité. Cédric, notre capitaine, prend la barre à roue pour faire rentrer prudemment le bateau dans le port, guidé par une voix espagnole à la radio. La Nébuleuse hésite devant un voilier de 50 mètres, puis lance ses amarres aux marins du port.

Nous avons encore le temps de découvrir la ville la nuit. De longues rues piétonnes sont illuminées avec les décorations de Noël en formes de sapins et autres magies de la fête. Plusieurs joyeux groupes de femmes sont coiffés avec un Père Noël, des arbustes, des gants rouges, des guirlandes ou d'autres artifices évoquant les régions nordiques d'où viendra le père Noël chargé de cadeaux ! Une animation plaisante, mais aussi un décor chargé de paillettes, de luxe, de superflus qui me semble bien décalé après le dépouillement de La Nébuleuse.

Quand mes camarades commandent un deuxième litre de cerveza, je préfère jeter l'éponge pour retrouver le bateau gardé par Gérard. Je grimpe dans ma bannette sans mettre le réveil à 23h35 pour le quart de nuit !

Samedi 14 décembre

C'est la matinée propreté. Sous les ordres de Lionel, nous astiquons toutes les surfaces, les caillebotis, les nappes, les dessous de plancher avant de découvrir le plaisir d'une douche qui ne cherche pas à nous faire perdre notre équilibre.

Une paella nous restaure à midi. Puis, Martine et moi prenons le tram pour grimper à La Trinidad. Le froid nous surprend dans cette ville en altitude, débarrassée de sa masse de touristes. Nous marchons jusqu'à une vieille église avec un autel baroque et nous réfugions dans un café animé au milieu d'espagnols jovials. J'apprécie particulièrement ce moment différent autour du thé chaud et de la tarte au fromage. 

De retour en bas, nous dînons avec le groupe des équipiers qui nous racontent leur journée. François a loué une voiture pour explorer la grande île. Nous apprenons que le sommet du Teide à 3715 m est fermé pour cause de vent et ce pour plusieurs jours. C'était notre objectif pour demain dimanche !

Les réparations du bateau vont prendre du temps : le mécano n'est pas passé ce matin pour regarder le moteur et le voilier pressenti pour réparer la voile du tape-cul, ne se sent pas compétent pour faire une réparation solide. Nous ne savons donc plus où nous passerons Noël ? Que de surprises pour distraire notre voyage !

La Nébuleuse sur Voiles et Voiliers aujourd'hui https://voilesetvoiliers.ouest-france.fr/vieux-greements/recit-le-vieux-greement-la-nebuleuse-part-pour-son-plus-long-voyage-vers-le-bresil-786c67d2-b0bc-11ef-bb0b-2fe80bd2ed0f

Dimanche 15 décembre

Dans le port, nous croisons deux autres équipages venus de France. Le premier bateau de 8 m est parti de Bretagne mi-octobre. Le jeune skipper a enrôlé des équipiers successifs parmi ses amis. Il est arrivé au point le plus méridional de son programme et prévoit de remonter au printemps en solitaire par petites étapes de 2 jours.

Sur le deuxième bateau de 12 m, quatre jeunes ambitionnent d'atteindre l'Australie via le canal de Panama pour y trouver du travail. Pour l'instant, ils sont comme nous, à la recherche de réparateurs après qu'une vague a couché le bateau et cassé la bôme.

Tous ont l'air détendu, et évoquent tranquillement leurs itinéraires et leurs péripéties.


Pendant que Martine attend la fin de la lessive dans le local des sanitaires, je pars découvrir les zones au Sud-Ouest du port. Une porte d'église est ouverte et c'est le début de la messe. J'assiste donc à la célébration en espagnol animée par des chanteurs et des guitaristes. A la fin, je m'approche de la crèche de Noël dans laquelle l'enfant Jésus est déjà arrivé !

François a fait le tour de l'île avec sa voiture de location. Il nous dit : c'est le moyen le plus efficace pour se déplacer et découvrir les différents milieux : forêts de pins, steppes et zones volcaniques ainsi que pour aller à la rencontre des habitants loin des circuits touristiques. 

Le bus est une alternative compliquée que nous cherchons à utiliser pour être cohérent avec notre souhait de maîtriser notre bilan carbone. Mais nous n'avons pas encore réussi à faire un plan sympathique, en particulier pour aller vers le fameux Teide. Les offres s'adressent aux clients des hébergements hôteliers. La niche des voyageurs par voilier n'est pas la priorité des opérateurs touristiques. Nous continuons donc de sillonner les quartiers de Santa Cruz... à pied dans le sillage des gens d'ici, qui le dimanche font des allers-retours dans les rues animées en espérant croiser des connaissances pour faire la conversation.

16-12-2024

Lundi 16 décembre

Dans le quartier portuaire de Santa Cruz, de grands paquebots déversent chaque jour des foules qui n'ont que quelques heures pour emporter des souvenirs de la ville. Il faut s'éloigner pour trouver des lieux authentiques vivants au rythme de la population locale et des paysages naturels forgés par les volcans.

Nous reprenons le tram de La Trinidad et nous arrêtons à la Cathédrale de Laguna. L'audioguide nous bombarde avec des noms et des dates que j'oublie au fur et à mesure. Quelques tableaux intéressants comme celui représentant trois couches de personnages : dans le bas : le purgatoire avec des âmes suppliciées, au milieu les juges de notre vie avec une balance pour peser le bien et le mal de chacun, tout en haut les vénérables bienheureux qui ont réussi à échapper aux tourments. La particularité du tableau : un ange en train de sortir une âme du purgatoire.

Nous tentons ensuite une escalade au hasard et avons la chance de trouver un sentier rustique qui nous entraîne vers des reliefs accidentés au milieu d'eucalyptus et d'une communauté hostile de cactus !

Malgré un vent soutenu à ne pas envoyer un bateau dehors, nous arrivons à fermer les yeux sous une pinède pour digérer la soupe à l'ail du déjeuner le dos posé sur de petites scories noires.

17-12-2024

Mardi 17 décembre

Le moteur de La Nébuleuse est réparé par le mécanicien, enfin arrivé. Nous l'avons accueilli chaleureusement ! Le capitaine a aussi trouvé une petite voile pour remplacer la voile déchirée du tape-cul. Nous attendons encore le camion-citerne pour nous livrer 1000 litres de fuel.

Nous repartons vers le Sud et nous éloignons encore de l'Europe. En quittant les Canaries, nous ne paierons plus en euros et la carte SIM du téléphone ne fonctionnera plus au Cap-Vert.

Sauf si je trouve une carte SIM locale dans ce pays indépendant ou du wifi, il est possible que je ne puisse plus donner de nouvelles avant le Brésil, à la mi-janvier. Mais La Nébuleuse continuera à être connectée avec une antenne starlink pour recevoir les informations météorologiques et envoyer des messages urgents. Des informations seront disponibles dans la rubrique actualités du site de Voiles et Traditions. https://www.voilestraditions.fr/actualites/

Les positions du navire seront également envoyées à quelques emails.

Dernière nouvelle : je viens de réussir l'achat d'une eSIM pour le Cap-Vert. Je vais donc pouvoir rester connecté et donner des nouvelles dans une semaine.

22-12-2024

Mardi 17 décembre

Les prévisions sur Windguru de mon téléphone sont idéales avec des vents entre 15 et 20 nœuds nous poussant au grand largue vers le Cap-Vert. 

Nous croyons être bien amarinés après 2 semaines de navigation. Nous ne prenons donc pas de Stugeron pour réduire le risque de mal de mer.

Mais le départ des Canaries est en fait chahuté par un vent au près de force 7. Les autres voiliers restent au port. Nous croisons un bateau venant du Sud avançant à voilure réduite vers le port.

Dans un premier temps, je me sens bien. Mais le soir, je n’ai pas d’appétit et préfère sauter le repas, ce qui convient bien avec mon projet de régime ! En prenant mon quart de nuit, je suis pris de vomissements et rejoins ma bannette avec une bassine plutôt que de monter sur le pont.

De toute façon, ce ne sont pas les symptômes du cancer, puisque j'ai décidé de l'envoyer par dessus bord et de le noyer au fond de l'océan exactement ici au passage de la ligne du tropique du cancer !

Mercredi 18 décembre

C'est au tour de Martine d'être à plat. Le temps est long dans notre bannette cercueil dans laquelle nous sommes réfugiés immobiles. D'autres équipiers souffrent aussi dans leur bannette.

Les médicaments Stugeron, Mercalm ... n'arrivent pas à arrêter le processus rapidement.

Enfin, je reprends du service au quart de nuit.



Le vent d'Est nous pousse vigoureusement vers le Cap-Vert. Les vagues nous bousculent et continuent de nous malmener. Chacun se réfugie dans sa bannette quand des tâches ne nous retiennent pas en cuisine ou sur le pont.

11h45, le bateau est brusquement soulevé dans un grand fracas décollant tout ce qui n'est pas arrimé et laissant retomber le tout.

Des voix s'inquiètent :

Qu'est-ce qui est arrivé ?

Serions-nous tombés sur un haut-fond du banc d'Arguin comme la Méduse ?

Dans ma tête, défilent l'évacuation, les combinaisons de survie, l'installation dans le radeau de survie... Et je refais l'inventaire des objets que je souhaite absolument garder dans le naufrage.

Une première recherche de voie d'eau est infructueuse. Le sondeur semble avoir souffert. L'ordinateur du capitaine est cabossé. Et les objets non calés sont à remettre à leur place.

J'attribue le choc à un gros mammifère marin, une baleine endormie...

Il semblerait en fait que ce soit une méchante vague qui nous a joué ce tour impressionnant qui n'a pas eu de vraies conséquences fâcheuses sur le moment. La coque en bois de 45 mm semble avoir bien résisté.

Jeudi 19 décembre

Le point d'amure de la GV est réparé.

Laurent et André pêchent des dorades, les premiers poissons que nous gardons pour notre alimentation, après des captures d’autres espèces sans intérêt ou de trop petite taille.

Le vent continue à être plus fort que celui espéré, environ 25 nœuds, malmenant l'équipage.

Si nous avions attendu une fenêtre météo optimale en Bretagne, nous serions peut-être toujours bloqués à Camaret. La météo en métropole semble être froide et perturbée d'après les informations de Cédric.

Tout le monde est sur le pont en fin d'après-midi pour profiter d'un moment de grâce et tout l'équipage est à table pour le dîner.

Martine teste les lunettes anti-mal de mer. Elle a un certain style avec la monture à 4 oculaires contenant des liquides. Le principe est d’empêcher le mal de mer lorsqu’on est à l’intérieur du bateau, car on trompe le cerveau en lui visualisant une ligne horizontale stable. C'est encore trop tôt pour conclure que c'est efficace et l’équipage semble assez sceptique.

Au dîner, nous évoquons l'avenir de la navigation à voile en relation avec le changement climatique. Les conditions météo s'avèrent être plus difficiles cette année que par le passé. Dans un siècle, des phénomènes climatiques feront qu'il sera plus difficile de naviguer comme aujourd'hui. Les bateaux devront pouvoir encaisser des conditions plus sévères.

Vendredi 20 décembre

L'hydrogénérateur tribord a rompu ses points de fixation. Il ne tenait plus qu'avec le bout de sécurité.

La nourriture fraîche souffre. Les grandes miches de pain de 3 kg de Loguivy-de-la-mer commencent à moisir. Les oranges des Canaries aussi. Nous devons aussi trier les pommes de terre et éliminer les parties gâtées.

Toutes les 3 heures, la lance à incendie mouille le pont en bois pour éviter que le lattes se rétractent et fissurent.

Sur un bateau qui bouge, vaquer aux occupations quotidiennes est un exercice d'équilibre permanent et nous conduit à réduire nos exigences de toilette... Principe de base : disposer de 3 points d'appui, par ex les 2 pieds bien écartés et se caler avec son épaule pour se brosser les dents.

Cédric nous informe que lorsque nous serons arrivés au Cap-Vert, les quarts de nuit seront maintenus pour éviter les chapardages d'une population pauvre qui voit défiler des bateaux de loisirs bien équipés. Le petit vol ne rapporte certainement pas grand chose à son auteur, mais peut priver le bateau d'équipements stratégiques.

En barrant un bateau comme La Nébuleuse, il faut apprivoiser l'inertie importante. Il faut réagir rapidement quand elle part au lof après une grosse vague ou quand le foc commence à faseyer, ce qui annonce un risque d'empannage, qu'il faut éviter à tout prix. Nicolas me confie souvent la roue, l'exercice exige une grande concentration, fatigante quand il dure longtemps. J'appréhende un peu d'endosser cette responsabilité au vu des risques et désagréments que peut produire une mauvaise manœuvre. Surtout la nuit quand les étoiles manquent à l'appel et qu'il faut se diriger au compas et à l'écran cartographique tout en surveillant les voiles d'avant à l'oreille et réagir correctement aux vagues sur lesquelles le bateau essaie de surfer.

La pêche est bonne : trois belles dorades fournissent une nourriture fraîche pour le déjeuner. La plus grosse est estimée à 6 kg.

Pendant le quart de nuit, je sens quelque chose se tortiller à mes pieds. La lampe montre un poisson volant que Martine prend à 2 mains pour le rejeter à l'eau. Un peu plus tard, un autre poisson volant touche la capuche et la manche de Nicolas qui est à la barre avant d'atterrir sur le pont.

Les longs quarts nous permettent de discuter des projets de travaux de la maison tranquillement. La dernière heure de quart est plus difficile et nous sommes heureux de voir la relève s'installer à notre place.

Samedi 21 décembre

Le vent pousse toujours le thonier à belle vitesse. La moyenne est supérieure à 7,5 nœuds. L'afficheur dépasse souvent les 8 nœuds et parfois atteint les 10, 11, voire 12 nœuds. De ce fait, il se pourrait que nous arrivions déjà demain en milieu de journée au Cap-Vert. Nicolas a déjà navigué vers Salvador sur un catamaran et a aussi fait étape au Cap-Vert. Il nous donne des informations touristiques sur ces deux haltes prévues.

Nous aurons quelques jours pour profiter de l'île avant de nous remettre en route pour la traversée sans escale jusqu'à Salvador au Brésil pendant 2 semaines et demie.

Aujourd'hui, c'est l'anniversaire d'Inès ! Elle est née en 1992 et est diplômée de la marine marchande. Le capitaine a fait sauter les bouchons de champagne à son honneur ! Pendant l'apéro, une vague plus forte arrose copieusement Thierry et Martine qui confirment que l'eau est bonne !

Toute la journée, le spectacle est assuré par les poissons volants qui peuvent s'élever jusqu'à 2 m au-dessus de l'eau et faire une course d'une dizaine de mètres. Dans quel but ? Pour faire un peu d'exercice ou pour échapper à un prédateur. Lionel ne les trouve pas assez gros pour les passer en cuisine.

Des rafales de force 8 risquent de nous bousculer de 3 à 4 h du matin. Le capitaine décide de ne pas toucher aux réglages pour ne pas ralentir notre marche. Vianney, le second, me dit :

Le bateau est capable d'encaisser du vent de force 8 au portant sans prendre de ris. Mais d'habitude, le premier ris est pris à force 7 et le deuxième à force 8.

La fin de notre quart risque d'être musclé, sauf si nous parvenons à échapper à cette traîne d'un phénomène météorologique sur l'Atlantique Nord.


Poussé par le vent, notre bateau pourfend la mer en faisant jaillir l'écume sur chaque bord comme une grande moustache blanche.

Avec une énergie intarissable, le vent soulève des vagues qui ondulent vaillamment vers d'autres horizons.

Sur les vagues, de petites facettes ridées reflètent le ciel avec des inclinaisons variées et des nuances de couleurs.

En se renforçant, le haut des vagues se couvre de crêtes blanches. Plus fort encore, le vent creuse des sillons éphémères et strie l'océan.

Je vois des vagues scélérates qui prennent notre bateau pour un jouet le projetant en l'air, le laissant retomber dans un grondement rugissant et riant de voir notre esquif disloqué.

Dans une mer en furie, j'imagine des tourbillons géants prêts à nous entraîner dans des cercles concentriques en nous broyant et nous avalant dans les abîmes.

Dimanche 22 décembre

A 7h30, nous sommes à 50 milles de Mindelo, l'avant dernière île vers l'Ouest du Cap-Vert et avançons toujours à 7,5 nœuds. Nous devrions arriver en milieu d'après-midi. Nous avons parcouru 2200 milles depuis Paimpol, soit un peu plus de la moitié de notre traversée transatlantique. La dernière étape jusqu'à Salvador est de 2000 milles dans la prolongation de notre trajectoire.

La qualité de vie sur un bateau dépend de beaucoup de facteurs. L'adaptation aux changements et aux imprévus est une valeur fondamentale. La tolérance entre les membres de l'équipage est aussi importante. Je trouve que ces deux valeurs sont bien développées sur La Nébuleuse, ce qui permet d'avoir une bonne ambiance globale, bien qu'il y ait parfois quelques manifestations de contrariété, surtout autour de la cuisine, quand les ustensiles volent dans des coups de roulis.

La Nébuleuse est un bâtiment construit pour la pêche. La transformation en bateau de croisière a conservé beaucoup d'éléments de ce temps qui font que le confort global est avant tout utilitaire et d'un autre temps qui ne conviendra pas à tout le monde. Il faut avoir une certaine souplesse, être prêt à l'inconfort et participer aux manœuvres et aux tâches ménagères. Pour cette transatlantique, une bonne partie des passagers sont de jeunes retraités qui ont une expérience de la voile et ont l'habitude de ces contraintes.

Un fou de Bassan est venu à notre rencontre. Il tourne autour du bateau et plonge parfois dans l'eau. Il espère peut-être profiter des restes de notre repas du midi. Au menu : dorade fraîche à l'aïoli et riz.

Terre, terre ! A 10 milles de la côte, nous découvrons le profil d'une haute montagne cernée par les nuages.

L'approche de la terre crée une effervescence joyeuse sur le pont. Nous essayons de percer la brume, scrutons la côte en cherchant des détails sur les activités humaines, animales et végétales.

En se rapprochant de l'île Santo Antão, nous distinguons l'écume qui grimpe sur les rochers et un phare pour signaler le danger. Comme à Tenerife, les flancs de la montagne sont arides et inhospitaliers.

Deux éoliennes apparaissent sur un sommet. Une route a été taillée dans le rocher. Quelques faisceaux solaires arrivent à éclairer des tranches de la base de la montagne. Les hauteurs restent cachées dans les nuages.

J'imagine Ulysse avec ses marins découvrant des côtes similaires et prêts à déjouer les pièges des dieux qui cherchent à les tromper, les retenir et entraver leur retour à la maison.

23-12-2024

Au port de Mindelo au Cap-Vert, se retrouvent les voiliers avant l'élan final pour la transatlantique. Ils refont le plein de nourriture et d'eau pour deux ou trois semaines loin de tout. Certains cherchent à se regrouper pour naviguer de concert.

Des enfants et leurs parents viennent nous saluer sur le ponton. Ces familles ont choisi de vivre sur leur bateau et prennent leur temps pour profiter du bonheur sur l'eau. Elles sont parties depuis des mois de Bretagne ou d'ailleurs. Je vois surtout des monocoques de dix à quinze mètres au ponton et quelques catamarans à l'ancre dans la baie.

Devant La Nébuleuse, un enfant s'écrie : 

Ça, c'est un vrai bateau !

Nous relâchons pour 3 ou 4 nuits. Au programme, le réapprovisionnement en nourriture, eau, gazole et si possible la réparation du tape-cul par un artisan voilier local. Mais aussi le nettoyage du bateau, la douche, la lessive, des randonnées, de la plage, la découverte de ce pays et le réveillon de Noël !

Le Cap-Vert est une ancienne colonie du Portugal, qui a pris son indépendance en 1975. La langue parlée est le créole. La langue française est comprise par la population rencontrée. Pour payer, pas de soucis avec notre carte bancaire et des distributeurs sont prêts à nous donner des billets locaux.

Nous nous retrouvons au bar flottant de la marina installé à la sortie du ponton et disposant du wifi car la carte eSIM que j'ai achetée sur internet, ne veut pas fonctionner sur mon téléphone. Notre voisin nous confie qu'il a eu une journée de découragement pendant laquelle il avait envisagé de jeter l'éponge pour rentrer en avion ici. Un découragement partagé dans les conditions plus difficiles qu'attendues en raison des rudes conditions météo imposées par notre programme de navigation contraint par des dates. En principe, la suite de la navigation devrait être plus agréable dans des alizés stables, confirmés par Windguru. 

Mais le fameux pot au noir sera encore un obstacle compliqué avec une absence de vent et un ciel variable qui peut être chargé de lourds nuages noirs tombant en déluges interminables, ne sachant plus où se trouve la limite entre l'eau et l'air, nous dit un voisin de ponton qui a fait de multiples traversées.

Mais c'est la mer qui commande. Il faut rester humble, baisser la tête !

Pour dîner, nous avons la chance de trouver une grande table pour nous 15 dans une brasserie grill avec un chanteur et un violoniste envoûteurs. Martine et moi choisissons le poulpe, rôti ou grillé, mais bien cuisiné, et la papaye, produit local cousin du melon, avec du vin blanc du Cap-Vert, qui a du mal à rivaliser avec les productions françaises. Le rythme est tranquille et bon enfant. Nous avons le temps de papoter entre les plats. Gérard me raconte ses aventures en Russie où il a pris le transsibérien à une autre époque, sans guerre. 

La douce addition est partagée en quinze. Tard dans la nuit, nous retrouvons La Nébuleuse en train de danser sur l'eau. Les amarres sont resserrées pour qu'Eric qui se déplace avec une canne blanche, puisse grimper sur le pont. La houle du large continue à nous bercer gentiment pour une nuit sans réveil et sans quart.

24-12-2024

Lundi 23 décembre

En mode décontracté, ce matin, nous bichonnons La Nébuleuse, prenons des rafraîchissements au bar flottant et visitons les installations sanitaires. Pendant que Martine se promène, je regarde de plus près les autres bateaux qui ambitionnent de traverser l'Atlantique. Parmi les bateaux de série, je relève un Sun Odyssée 42i, un Allure 40.9, un Bavaria 38, un Freedom 35.

Devant Ma'Na Xaa, le Gibsy de 1982 qui vient aussi de Paimpol, une des propriétaires me parle du projet de vie sur ce bateau. Pour un budget de 80000 € réuni à plusieurs, ils réalisent un rêve familial en faisant un grand tour de l'Atlantique. Le navire est aussi leur domicile. Les deux voiles à l'avant sont prêtes à être déroulées en ciseau pour profiter des alizés. Même si l'éolienne est en panne, les deux panneaux solaires pourront fournir l'électricité. Je trouve que le grand portique arrière est un peu haut et que le centre de gravité relevé pourrait pénaliser la stabilité du bâtiment par gros temps.

La Nébuleuse est la star du ponton. Les autres marins s'arrêtent et nous interrogent en particulier sur l'organisation de la vie à bord. Le point le plus délicat leur semblent être la promiscuité permanente et prolongée entre 15 personnes ne se connaissant pas auparavant.

Ils nous racontent aussi leurs rêves. Celui-ci part en Uruguay, tel autre veut remonter l'Amazone et un cours d'eau en Guyane française...

Arrivés au Cap-Vert, leurs rêves se sont déjà concrétisés avec des bateaux piaffant de larguer les amarres. Ils vivent encore un temps de grâce juste avant le grand saut et ne gâchent pas leur plaisir de partager leur enthousiasme avec nous. Certains vivent ici à terre le meilleur moment de leur voyage si des galères les attendent au large...

Sur notre pont, nous faisons honneur à la belle bonite pêchée la veille. Comme il en reste, je trouve un navigateur intéressé qui, en échange, nous offre une bouteille de liqueur.

Une carte SIM nous reconnecte au réseau, si utile pour les informations géographiques et les communications avec les terriens comme la transmission de mon récit écrit la nuit avec un doigt sur mon téléphone pendant mes insomnies.

L'après-midi, nous visitons le petit musée de la chanteuse cap-verdienne Cesária Évora, la diva aux pieds nus en référence à son habitude de se produire pieds nus sur scène. Elle a vécu simplement à Mindelo et est décédée en 2011.

La musique est très présente dans la ville. Le soir, des musiciens chanteurs et instrumentistes accompagnent notre dîner au Restaurant le Nautilus qui nous sert des plats à base de recettes locales. Je commande un cachupa, le plat national. Des haricots blancs mélangés avec du poisson et d'autres légumes se retrouvent dans mon assiette.

Pour l'instant, les prévisions météo affichent toujours un vent idéal pour les jours à venir : régulier, modéré et stable dans le sens de l'Ouest, de l'Amérique. 

Si vous ne trouvez pas de toubib, essayez le véto ! Mon vétérinaire préféré trouve une aiguille pour recoudre les voiles dans la caisse à outils du bord qui lui permet d’extraire une écharde dans mon gros orteil. Il vaut mieux régler les petits bobos avant de partir.

Joyeux Noël 

Une impression de sécurité règne au Cap-Vert. Nous nous promenons sans avoir l'impression de nous mettre en danger. Ophélie ambitionne de grimper jusqu'au sommet de l'île à 10 km d'ici. Martine et moi visons une plage idyllique au Nord avec la promesse d'une eau transparente à 24°C et d'un zéphyr à 25°C.

Ce soir, Noël sera fêté avec tout l'équipage. Dans le carré, Thierry a installé une guirlande lumineuse, Nicolas une crèche trouvée aux Canaries, j'ai suspendu un père Noël perché dans un cerceau. Martine a préparé des petites attentions à manger et Cédric a mis le champagne au frais pour célébrer dignement la magie de Noël, même loin de nos familles. Nous avons aussi trouvé les horaires de la messe du 25 décembre dans ce pays de tradition catholique et la célébration est particulièrement joyeuse et animée.

25-12-2024

Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine. Matthieu 6:34

Ici et maintenant. Simplement prendre le chemin de la vie en confiance et en profitant de tous les instants.

Nul besoin de savoir ce que sera demain. Ce sera une autre histoire.

Éloignons de nous les soucis stériles qui cherchent à nous encombrer et à nous écarter des richesses de la vie.

Vous direz peut-être :

- C'est facile quand tout va bien. 

- C'est l'attitude irresponsable de la cigale qui ne se préoccupe pas des froids de l'hiver.

Mais qui est le plus heureux 

- le cordonnier ou le financier.

- le petit africain qui joue avec une boîte de sardine vide ou l'enfant gâté qui ne sait plus quel jouet prendre.

Quelle joie de partir marcher sans se préoccuper en faisant confiance au destin. C'est parfois plus dur certes, mais souvent, c'est l'occasion des plus belles rencontres avec le bonheur.

Dans la halle du marché aux poissons, les vendeuses s'invectivent derrière leurs étals de poisson frais ou séché tout en chassant les mouches. Dans un atelier contigu, des hommes préparent les plus grosses pièces. Le marché déborde dans les rues latérales et rejoint les étals de légumes, de vêtements, de bazar et d'art africain.

Chaque jour qui passe, nous retardons le départ du Cap-Vert d'une journée. Maintenant, nous devrions partir le 27 décembre pour laisser le temps à l'équipage de refaire ses forces et de profiter de ce port plaisant. Ce report ne remet pas en cause notre objectif d'arriver mi-janvier à Salvador de Bahia.

Sous la houlette de Lionel, le bateau est rempli avec des brouettes de nourriture pour nos deux semaines et demie d'autonomie totale. Le champagne est servi sur le pont. Plusieurs équipiers sont coiffés d'un bonnet rouge de Père Noël. Thierry arbore une couronne de fleurs.

Devant chaque place de la grande table du carré, Martine dispose des coquillages ramassés sur la plage. Les assiettes sont servies avec du confit de canard aux petites pommes de terre rissolées à la graisse de canard, et garnies avec des trompettes de la mort. Ophélie ouvre une vieille bouteille d'alcool arrangé qu'elle a trouvée dans la cave de sa famille. Lionel met le feu aux bananes flambées. Des mignardises se conjuguent encore avec d'autres alcools servis sur le pont avant que les jeunes partent étancher une soif restante en ville et qu'une équipe se charge de la vaisselle.

26-12-2024

Jeudi 26 décembre

Nous nageons avec les tortues dans une eau transparente.

Elles évoluent avec légèreté autour de nous. Avec une belle aisance, elles nagent dans tous les sens en poussant sur leurs 4 pattes. Parfois, elles nous surprennent en nous dépassant juste en-dessous de nous. Elles nous laissent toucher leur carapace en toute confiance. De temps en temps, elles sortent la tête de l'eau pour respirer avant de plonger de plus belle.

D'autres poissons multicolores complètent ce tableau paradisiaque suggérant que les êtres vivants pourraient vivre ensemble heureux et sans crainte. Un grand moment de notre voyage !

São Pedro au Cap-Vert est un important lieu de ponte des tortues. Comme elles ont l'habitude de revenir pondre là où elles sont nées, nous pouvons les trouver sûrement devant la plage d'autant plus qu'elles sont attirées par les morceaux de poisson jetés depuis la barque de notre guide pendant que nous nageons avec masque et tuba.

Marche en direction du farol de Dona Amelia le long d'un sentier sculpté dans la falaise.

27-12-2024

Dans le carré, nous avons regardé deux projections vidéos : 

. Un vieux documentaire sur la Transatlantique du Peking, le plus grand voilier de tous les temps. Les conditions étaient particulièrement rudes et relativisent nos propres difficultés...

. Une présentation de l'histoire de La Nébuleuse et de sa rénovation commentée par Cédric. 

Le nom La Nébuleuse a été choisi par la marraine du bateau en référence aux objets célestes diffus jouant un rôle clé dans la formation des étoiles et nous envoyant de belles images nuancées des profondeurs floues du ciel.

Nous partirons probablement demain 28 ou peut-être même après-demain 29 sans que cela remette en cause notre objectif d'arriver au Brésil mi-janvier. C'est un peu nébuleux je reconnais !

Le capitaine nous a partagé la connexion starlink qui nous permettra de donner des nouvelles en mer.

Donc aujourd'hui, direction le Centre des arts, puis nous partirons à la découverte des trésors cachés de notre île. Le tableau ci-dessus (collage réalisé avec les déchets de plastique ramassés sur les plages...) présente une vague réveillant l'ambiance d'un bateau.

28-12-2024

Vendredi 27 décembre

Adriel est joueur de foot. Il s'entraîne à 6 h tous les matins et joue en attaquant gauche tous les week-ends au FCF, le club de foot de Mindosa. A 20 ans, il se donne à fond dans sa passion. Pour en vivre, il promène les touristes autour de l'île.

Aujourd'hui, Adriel a rendez vous avec Martine et moi à midi au bureau de l'Office de tourisme. Dans sa voiture, nous traversons l'île en passant au Sud du Monte Verde, le sommet qui essaie d'accrocher les nuages à 750 m d'altitude. La végétation est rare. Quelques brins d'herbe et quelques arbres rachitiques apparaissent de temps en temps dans ce paysage volcanique. Un palmier poussiéreux essaie de jouer au fier.

A Caldau, nous découvrons un conservatoire de tortues. Adriel est notre invité au petit resto, de pêcheurs avant de suivre les lacets de la côte Nord. A Salamensa, nous enfilons notre maillot de bain pour marcher dans la Baia de Gatas, une piscine naturelle peu profonde reliée à l'océan.

Puis le Duster s'attaque au Monte Verde par la face Nord, pour nous offrir la vue d'en haut sur notre île et sur les îles environnantes.

Ouaou ouaou ouaou. La nuit, sans n'avoir rien demandé, nous bénéficions d'un concert musical que nous écoutons attentivement allongés dans notre bannette au lieu de dormir bêtement. Après cette nuit de folie, La Nébuleuse nous laissera peut-être dormir ce matin et appareillera toute seule vers le Brésil ?

31-12-2024

La Nébuleuse quitte le quai de Mindosa à 9h15 le 28 décembre 2024.

2 000 milles l'attendent maintenant jusqu'à Salvador de Bahia, pour la plus longue traversée de son histoire.

Bureau Vallée est arrivé sur le ponton juste avant notre départ. Dans la course du Vendée Globe, il a dû abandonner et fait étape à Mindosa sur la route du retour en France. Avec ses 18 m de long, c'est un grand bateau pour un seul navigateur. Peut-être croiserons nous d'autres concurrents sur notre parcours...

Nous passons près de petites barques de pêcheurs locaux près de São Pedro où nous avons plongé avec les tortues. Leur bateau danse sur l'eau sans poser de problème d'équilibre à leur propriétaire.

Avec l'effet Mercury, un vent plus ardent que prévu fait filer le bateau dans une mer aplanie. En barrant en fin de matinée sur une heure et demie, je relève une vitesse moyenne de 8.2 nœuds, une très belle performance.

Les douches sont condamnées. L'eau douce est devenue la denrée la plus précieuse. Elle est réservée à la boisson. La vaisselle se fait dans un seau avec de l'eau de mer. La toilette se fera aussi à l'eau de mer sur l'arrière du bateau ou avec un seau d'eau de mer dans la salle d'eau. Un rinçage à l'eau douce est toléré avec un brumisateur surveillé.

Nicolas traîne un virus et suit un traitement pendant 5 jours. Une partie de l’équipage est souffrant. Martine porte les lunettes anti-mal de mer à titre préventif.

Sur le pont, nous sommes en tee-shirt, lunettes de soleil et chapeau. Martine et moi tournons le dos au soleil chaque fois que c’est possible.

En commis cuisine, j'apprends à éplucher les oignons sur un bateau. Tout d'abord, coincer une bassine entre ses pieds, puis éplucher et découper comme d'habitude. Enfin envoyer les oignons découpés dans la poêle et les épluchures dans la bassine qui est vidée par-dessus bord.

Dimanche 29 décembre

Une journée ordinaire. Le bateau avance sur un cap 210 avec un petit vent et une mer assagie.

Laurent a pêché un sac en plastique transparent. Il a la forme d'un petit sachet d'eau comme ceux que les africains utilisent pour boire l'eau.

La pollution des mers n'est pas très visible depuis notre départ. Je n'ai pas vu d'autre plastique en mer. Seule une palette errante venait de l'activité humaine. 

La pollution des microplastiques invisibles, est probablement ici aussi un problème. Ces fragments de matières arrachés à nos vêtements pendant les lessives, viennent troubler le milieu du monde marin. L'impression globale est un dépeuplement de la faune marine, aux causes multiples et entre autre à cause d'une pêche excessive.

Le calme sur le pont permet de lire à l'extérieur sans grand risque de se faire doucher par une vague.

J'aère La longue route de Bernard Moitesier. Le début de son tour du monde à la voile en 1968 commence par la descente de l'Atlantique. Sur un itinéraire similaire au nôtre, mais sans escale, il décrit des impressions comparables. Comme il va beaucoup plus loin que nous, son livre répond à ma curiosité sur ce qui se passe plus loin.

Bernard propose une explication au vol des poissons volants. 

Selon lui, ils tentent de s'échapper de la gueule des thons. Mais leurs efforts sont vains, car le prédateur arrive à les rattraper quand ils reviennent dans l'eau. Quelques remous et tout est fini pour le brave poisson volant.

Pour le côté culinaire selon Bernard : Le poisson volant est un mets de choix rappelant le goût de la sardine, en plus fin.

Alerte à la sauterelle. Des yeux perspicaces ont repéré une grosse sauterelle sur le haut du mât d'artimon. Puis une deuxième dans un autre endroit du bateau. Transportons nous des passagers clandestins qui iront se multiplier au Brésil et détruire un écosystème sensible utile à la santé de la planète ?

Ophélie rejoint notre quart pour observer l'ambiance nocturne dans les différentes équipes. Du coup, Nicolas a retrouvé une playlist métal qui a sonorisé mon tour de tenir la barre.

Pour barrer, je me concentre sur la petite aiguille aimantée du compas en essayant de rester collé au cap 200 cette nuit. L'exercice m'empêche de profiter pleinement du spectacle des étoiles, de Orion qui m'indique la bonne direction, de la voie lactée bien visible maintenant que la lune n'apparaît plus dans nos nuits. La Grande Ourse est encore visible derrière nous au-dessus de l'horizon. Des points scintillants qui se déplacent, témoignent du passage d'avions qui en une dizaine d'heure font le même trajet que La Nébuleuse en un mois et demi.

Je grimpe épuisé dans ma bannette.

Il est 5 h. Le vent a trop faibli. Les voiles battent au vent. Vianney décide de mettre le moteur pour traverser ce calme, ... et nous réveillant puisque notre bannette partage une cloison avec la salle des machines.

Lundi 30 décembre

Ce matin, le vent stable des alizés est de retour. 

Alerte dauphins !

Des dauphins nous guident à l'avant du bateau. C'est toujours un bon moment d'assister à leurs évolutions et leurs envies de rentrer en contact avec nous.

Des algues flottent par petits paquets ou en longues processions. D'après Laurent, ce sont des Sargasses. Je suppose qu'elles nourrissent les premiers maillons de la chaîne alimentaire. 

A l'aide de la gaffe, j'en pêche un petit paquet. L'algue brun clair est structurée autour d'une branche sur laquelle viennent se greffer de petites boules vides qui jouent le rôle de flotteur et des feuilles dures sur lesquelles sont parfois accrochés des filaments. Elles ont l'air bien vivantes.

L'odeur est celle des algues et ne donne pas vraiment envie de les servir en salade. En tout cas, Lionel, le chef de la cuisine, n’est pas intéressé !

A la Martinique, les Sargasses ont mauvaise réputation. Elles dégagent une odeur pestilentielle quand elles s'échouent et pourrissent en masse sur des plages de rêve.

La nuit, des éclats fluorescents indiquent la présence de plancton, qui constitue une partie importante de l'alimentation de nombreuses espèces marines, y compris les baleines.

Un nouveau rituel : le thé de 17 h

Alerte baleine, alerte baleine ! Abandonnant livres et couteau de cuisine, tous se précipitent sur l'échelle pour grimper sur le pont.

A une centaine de mètres sur bâbord, des jets d'eau fusent dans l'air. Nous devinons une famille de rorquals qui fait route vers le Sud en se tenant à bonne distance de notre bateau. Nous nous suivons pendant une dizaine de minutes avant qu'elles disparaissent.

Nous sommes comblés par cette rencontre avec des baleines. J'en avais déjà vu au Canada là où on est sûr de les trouver. Les croiser au milieu de l'océan est plus impressionnant.

Minuit. La radio grésille dans une langue étrangère et le radar détecte un obstacle. Mais rien sur l'écran AIS. Il va falloir doubler de vigilance pendant notre quart. Sinon vent stable et mer calme : le bateau devrait rester sur sa trajectoire. Nuit noire sans lune. Les étoiles sont présentes dans le haut du ciel. Des nuages masquent le bas. Une pluie n'est pas exclue et avec elle, une perturbation du vent.

Dans notre bannette, nous avions très chaud, alors que sur le pont, la brise nous rafraîchit. La chaleur pourrait être difficile à supporter dans les 15 prochains jours de navigation. Nous progressons vers le Sud. La température devrait donc augmenter progressivement, tout en restant supportable tant que nous serons sur l'eau. A Salvador, j'espère que l'hôtel sera frais.

Navionics me dit que nous sommes à 1600 milles de Salvador en ligne droite. Le vent varie de 10 à 14 nœuds. La vitesse moyenne sur la dernière heure est de 6 nœuds et nous avons parcouru 400 milles depuis 2 jours et 14 heures. 

A une moyenne basse de 5 nœuds ou 120 milles par jour, nous devrions arriver vers le 13 ou 14 janvier à Salvador. Nous sommes donc dans les temps prévus. Reste l'inconnue du pot au noir.

Ah, ah, ah. La grand-voile grince sur le mât doucement. Le bateau est content d'avoir retrouvé le vent et de filer à la voile vers le Brésil sans être freiné par les vagues. 

A la fin de notre quart, le vent a faibli. Vianney décide de remettre le moteur.

Aujourd'hui, c'est le dernier jour de l'année. Martine et Inès révisent leurs recettes de cuisine pour améliorer le dessert de ce soir.

Cédric nous donnera accès à internet pour que nous puissions communiquer avec la terre.

01-01-2025

Position de La Nébuleuse le 1er janvier 2025. Il reste 1450 milles pour arriver à Salvador 

Bonne année depuis le milieu de l'Atlantique 

10-01-2025

1er janvier 2025

Pour fêter la nouvelle année, Michel ouvre du foie gras, Cédric fait sauter les bouchons de champagne, Lionel cuisine du confit de canard avec des marrons, Martine et Inès préparent des gâteaux et Gérard sort une bouteille de mirabelle de Lorraine. Quelques fantaisies dans l'habillement et tous sont de bonne humeur, pour un réveillon qui sort de l'ordinaire.

A 24 h, heure française, nous nous souhaitons une bonne année 2025 avec de grands coups de corne de brume qui ne dérangent pas grand monde dans les alentours.

Le poisson volant

Je sens une claque dans mon dos. Je me retourne et crois reconnaître l'écoute de la grand-voile. Mais un poisson volant frétille à mes pieds et cherche désespérément à retrouver l'eau. En voulant l'attraper avec les mains pour le remettre dans l'océan, il m'échappe à plusieurs reprises comme une savonnette gluante.

Je lève enfin une trappe pour qu'il puisse retrouver son milieu naturel.

Je lave mes mains à l'eau de mer, puis avec du gel.

Mon tee-shirt garde des traces d'écailles que je prends soin d'enlever complètement. Mais l'odeur de poisson persiste. Il faudra utiliser de la lessive pour en venir à bout.

2 janvier

Baguette ou croissant ?

Ce matin, la bonne question est : 

Biscuit marin ou pain de mie oublié ?

Le biscuit marin est un biscuit épais non sucré rappelant vaguement le goût du pain. Un étouffe-chrétien comme dit Lionel. Son avantage est sa bonne conservation sur un bateau.

Les allusions à la nourriture terrestre meublent nos conversations. La cuisson de la belle dorade pêchée hier est à l'ordre du jour. Les choix se font en fonction de la simplicité. Manger le poisson cru n'a pas l'air de séduire André, le spécialiste du bord ! Selon lui il y a un risque de parasitose, et il faudrait congeler le poisson pêché pour tuer les vers. 

Nous allons suivre ses conseils et en l'absence de congélateur, nous ferons cuire le poisson au four.

Le soir, les nuages s'assombrissent au vent. Nous distinguons des éclairs au loin. Nous aurons probablement de l'ambiance cette nuit.

Près de l'équateur, la lune s'éclaire par le bas et nous donne ainsi l'impression de sourire.

Mais voilà que de gros nuages noirs lui voilent la face. Je la devine encore dans un halo de lumière avant qu'elle ne disparaisse. D'inquiétants éclairs éblouissent déjà notre route. Plongés dans la nuit noire, nous nous attendons à ce que l'orage déverse sa furie d'un instant à l'autre. Mais à l'heure du repas tout est calme encore avant la tempête et La Nébuleuse est toutes voiles dehors. Comment réagira-t elle quand des claques de vent essaieront de la déstabiliser de tous les côtés ? Est-ce qu'elle s'inclinera jusqu'à tremper ses voiles ? Ou même jusqu'à mettre son mât à l'horizontale, et nous imaginons le désordre dans la cuisine et dans nos bannettes...

Nous nous enfonçons dans le pot au noir.

Cette zone intertropicale a mauvaise réputation. Elle est connue pour son absence de vent conduisant les voiliers à rester encalminés des jours et des jours. Elle est aussi sujette à des orages interminables.

A 22 h, une première averse tropicale tombe sur l'équipe de quart précédente. 

En prenant notre quart, les éclairs et tonnerres sont rentrés dans la danse.

Les consignes : ne plus se tenir aux haubans et autres cordages, s'éloigner du mât, se mettre en boule en fermant les yeux et les oreilles. 

Nous sommes donc assis en boule protégés d'une pluie épaisse par notre veste de quart. Nous assistons humblement aux déchaînements des forces de la nature. 

Les éclairs illuminent un instant tout notre environnement. Un scintillement crépite au loin. Parfois comme un flash vertical et rapide, souvent par saccades successives avec des effets horizontaux. Je préfère ceux qui éclairent le décor par le côté. De face, ils sont éblouissants. Autre requête, que les éclairs durent un peu plus longtemps pour que l'œil puisse s'habituer à l'éclairage et que je puisse mieux percevoir le paysage.

Nous entendons rarement le tonnerre, ce qui nous indique que nous sommes encore loin du centre du jeu pour l'instant. La vitesse du son est d'environ 300 m par seconde. Il faut donc environ 3 secondes pour franchir un km. En divisant les secondes entre l'éclair et le tonnerre par 3, on obtient la distance de la foudre en km.

Après un éclair proche, je crois sentir une odeur de brûlé. Mais Martine ne partage pas cette impression.

Deux points lumineux apparaissent dans notre horizon. L'AIS nous dit qu'il s'agit de 2 cargos de 200 m de long. Ce ne sont pas encore les premiers concurrents de Vendée Globe sur la route du retour.

3 janvier

L'archipel de São Pedro et São Paolo émerge loin sur notre tribord. Nous passons à distance respectueuse de ces rochers posés au milieu de l'Atlantique alors que les fonds environnants sont à 4000 m de profondeur. 4 humains y habitent.

Le fou et la frégate 

Depuis quelques jours, un fou se plaît à suivre le bateau. Il pense certainement augmenter ses chances pour trouver des poissons.

Il passe son temps à pêcher. Il fait des ronds dans l'air, et brusquement descend en piqué et plonge dans l'eau. C'est devenu notre mascotte. 

Mais un danger le menace : un grand oiseau noir à la queue fourchue l'a rejoint et tourne autour de lui. C'est une frégate qui fait de belles circonvolutions autour du bateau. 

Quand le fou a trouvé un poisson, la frégate se précipite sur le fou avec des cris agressifs. Le brave fou tente de s'échapper en volant à droite, à gauche, refait un plongeon, repart de plus belle.

Quand la frégate s'envole à nouveau seule, nous savons qu'elle a récupéré la pêche du fou. Sans complexe, elle revient voler fièrement autour du bateau comme si elle se pavanait fière d'être la reine du ciel.

Le fou s'obstine et reprend la chasse, espérant que la frégate ne lui volera pas son butin la prochaine fois.

Au soleil couchant, la frégate s'approche de la tête du mât, probablement pour s'y reposer et y passer la nuit. Pendant de longues minutes, elle est à une patte de se poser. Avec le balancement du roulis, elle doit estimer la position inconfortable et finit par s'envoler.

Pendant notre quart de nuit, nous écoutons la playlist "chansons françaises" en tee-shirt. Avec un léger vent dans le nez, le bateau avance au moteur sous pilote automatique dans une nuit noire.

Vers 2 h, sans prévenir, l'air fraîchit brusquement et le vent augmente.

30 secondes plus tard, des gouttes commencent à tomber et rapidement une belle averse nous tombe sur la tête. C'est notre tour de faire l'expérience d'un grain dans le pot au noir.

Quelques gouttes rafraîchissent agréablement sous l'équateur. Mais sous cette pluie fraîche, la position n'est pas tenable. Pendant que je descends chercher nos vestes de bateau, Martine est déjà transformée en serpillière trempée. La pluie nous frappe à horizontale pendant un quart d'heure et s'y remet encore une dernière fois.

Tête recroquevillée sous nos capuches, nous reprenons l'écoute des meilleures chansons françaises. Quand nous descendons rejoindre notre bannette, nous sommes trempés jusqu'aux os et l'air est plus frais. Nous devons nous sécher comme en sortant de la douche. Le matin, je découvre que mon gilet de sauvetage a percuté. Est-ce qu'il s'est gonflé sous l'effet de l'intense humidité ou d'un choc en le remettant sur le porte manteau ?

4 janvier

Franchissement de la ligne de l'équateur 

A 10 h 15, La Nébuleuse franchit la ligne de l'équateur sous les vivats des passagers.

Poséidon, le dieu de la mer, baptise les passagers de La Nébuleuse qui traversent pour la première fois la ligne de l'équateur.

Animée par Titi coiffé d'une perruque et affublé du titre de Monseigneur l'évêque, Nico avec des plumes sur la tête jouant le rôle de Poséidon et Lionel avec un seau à la main gardien de l'ordre et de la terreur, la cérémonie ne suit pas de règles strictes et est laissée à l'appréciation des dignitaires. 

En l'occurrence, Titi maîtrise l'art de la mise en scène et sans prétention, nous exhorte à reconnaître nos égarements. Poséidon nous absout et nous demande de nous incliner devant lui. A ce moment, Lionel nous verse un seau d'eau de mer sur la tête par surprise. En fonction de son humeur, il en rajoute un deuxième. Et bien sûr, tout se termine par de nouvelles bouteilles de Champagne !

Un oiseau de la taille d'une colombe s'approche et se pose sur l'antenne starlink en piaillant, nullement impressionné par notre voisinage. C'est un noddi brun, cousin des sternes qui fréquente cette zone d'après notre guide sur le téléphone.

Pendant le quart de nuit, trois autres noddis rejoignent le bateau. L'un se pose sur le bout de la queue de malais, un autre sur l'ancre et le dernier tourne encore autour du bateau.

Dimanche 5 janvier

L'arrivée à Salvador pourrait se faire dès le 10 janvier d'après le logiciel de navigation. Il nous reste donc 4 nuits en mer. Le quart de nuit reste un moment difficile. Il tombe en plein dans notre temps de sommeil profond. Malgré l'accoutumance à ce rythme depuis 35 jours, nous continuons à lutter contre le sommeil. Barrer me plaît bien. Mais nous sommes contents quand la relève monte sur le pont et que nous puissions nous hisser dans notre bannette.

Alerte orques

Deux orques passent sur notre bâbord. Ils sont facilement reconnaissables avec leur couleur noire et la grande tâche en-dessous. Un grand et un petit, une mère avec son petit probablement. Ceux-ci n'ont pas été dressés pour faire de grands sauts devant nous et jettent à peine un oeil curieux dans notre direction avant de reprendre leur chemin vers le milieu de l'océan.

Peut-être qu'ils vont voir la famille en Espagne qui va leur raconter le nouveau jeu qui consiste à mordiller dans le gouvernail des bateaux à voile.

Les orques peuvent représenter un danger pour un petit bateau. Sur La Nébuleuse, pas d'inquiétude. Ses 90 tonnes lancées à 8 noeuds en font un adversaire trop gros pour l'orque bien trop petit.

6 janvier

La sirène du bateau retentit, appelant tout le monde sur le pont. En passant devant l'écran de navigation, je vois que le bateau est en route de collision avec un cargo venant du Sud. Et déjà La Nébuleuse s'en écarte et abat de 20 degrés.

Arrivé sur le pont, j'apprends que l'urgence concerne en fait la sous-barbe qui a lâché d'un coup sec. Légèrement surtoilée, La Nébuleuse teste ses fragilités.

Comme chacun sait, la sous-barbe retient le bout-dehors vers le bas pour équilibrer la force de l'étai qui tire le bout-dehors vers le haut. Le bout-dehors est l'axe en bois qui sort de 5 mètres à l'avant du bateau et permet d'augmenter la surface de la voilure.

Vianney lance des ordres pour enrouler rapidement le grand foc qui tire sur le bout-dehors fragilisé. La vitesse du bateau se réduit tout de suite.

Les meilleurs experts de La Nébuleuse sont convoqués à la proue. Des outils sont rassemblés. Le bateau abat encore pour trouver une allure confortable. Les bouées d'homme à la mer sont prêtes à être lancées.

Tel un funambule, Vianney glisse le long du bout-dehors jusqu'à la pointe avant. Les yeux de l'équipage suivent inquiets la longue réparation au-dessus de la mer au bout de cet axe qui monte et descend dans les vagues. La clé anglaise s'échappe et file vers les profondeurs à 4000 mètres. L'obscurité vespérale s'installe.

La nuit commence à tomber quand Vianney revient sain et sauf sur la coque. La réparation est réussie et une poulie a été changée. Le grand foc est relancé. La Nébuleuse repart de plus belle vers Salvador.

7 janvier

Nous ne voyons pas encore la terre, mais nous la sentons. Les oiseaux plus nombreux viennent à notre rencontre en ambassadeurs et des formations nuageuses différentes à l'Ouest laissent deviner un signe avant-coureur de la terre.

Un vol groupé d'une dizaine de canards passe près de nous. Dans le même temps, les deux lignes de pêche à la traîne se tendent. Laurent et André remontent deux belles bonites avec la perspective réjouissante de varier le menu. Les canards s'éloignent pour suivre le banc de poissons.

8 janvier

Plus d'eau au robinet.

Notre équipe de quart est de vaisselle ce soir. Nicolas est en train de rincer la marmite du riz quand le robinet tombe à sec.

Le bateau a encore des réserves d'eau dans des réservoirs secondaires. Le transfert ne se fait pas automatiquement et la manipulation complexe est reportée à demain quand il fera jour.

Pour l'instant, chacun boit l'eau restant dans sa gourde. Mais plus de thé et de café au petit déjeuner pour les lève-tôt.

9 janvier

La Nébuleuse trace son dernier sillon de cette traversée de l'Atlantique dans un océan bleu-azur. Un doux zéphyr nous pousse dans le dos. Nous devrions arriver demain soir au port de Salvador de Bahia au Brésil.

Le réglage des voiles 

Depuis le Cap-Vert, La Nébuleuse est bâbord amure, c'est à dire que nous sommes poussés par des vents d'Est variant entre le Nord-Est et le Sud-Est. La grand-voile est donc toujours restée du même côté. Elle est juste ajustée pour être la plus performante. Par contre, les autres voiles sont souvent réglées en fonction du temps. Le grand-flèche est monté et descendu à plusieurs reprises. 

Une conséquence de cette orientation des voiles est qu'il n'y a pas d'ombre sur le pont le matin. J'ai pris l'habitude de rester à l'intérieur le matin et de monter à la dernière minute pour prendre mon quart de jour à midi.

Quand La Nébuleuse avance à la voile, elle est dirigée par un homme à la barre. Dès que le moteur est démarré, le pilote automatique en mode cap prend le relais.

Nous n'avons pas vu un autre voilier pendant toute la traversée. J'espérais voir un concurrent du Vendée Globe. La proximité de notre arrivée laisse peu de chance à cette rencontre. 

Arrivée à Salvador de Bahia au Brésil le 10 janvier 2025 à 15 h.

Le temps est venu de faire un bilan de cette traversée tant rêvée.

. Nous sommes heureux d'avoir traversé l'Atlantique à la voile,

. D'être parti de Bretagne pour aller au Brésil à la voile dans notre voyage vers la Nouvelle-Zélande.

. D'avoir fait les étapes de Galice, îles des Canaries et du Cap-Vert que nous avons découvertes.

. D'avoir rencontré des animaux marins. Dauphins, baleines, orques, oiseaux des mers...

. D'avoir découvert le fonctionnement d'un vieux thonier à voile, la mise en place des voiles, la tenue de la barre à roue.

. D'avoir vécu la vie d'un équipage, avec le partage des tâches et des manœuvres, des moments difficiles comme des moments de détente, et non d'avoir été des spectateurs ou des clients d'une croisière.

. De célébrer les fêtes de fin d'année, du passage de l'équateur, des anniversaires... Très bien le champagne !

. De boire et manger sur le pont devant les couchers de soleil, parfois avec la pêche du bateau.

. D'avoir bénéficié d'une certaine ambiance musicale avec des découvertes comme Cesária Évora.

. D'avoir assisté à la présentation vidéo des travaux sur La Nébuleuse et du voyage du Pekin.

. D'avoir pu lire le livre 'Autour du monde' de Robert Le Serrec qui raconte la croisière sur un autre vieux thonier en 1960.


Mais la traversée a parfois été plus exigeante que nous l'avions imaginé.

. Les deux premières semaines, et surtout la traversée du Golfe de Gascogne, ont été chahutées et nous avons souffert du mal de mer à plusieurs reprises...

. Les quarts de nuit de minuit à 3 h ont été assez perturbants par rapport à notre rythme de sommeil habituel. 

. Nous aurions aimé avoir eu moins souvent recours au moteur avec son cortège de nuisances, bruit, odeur et pollution. 

. Martine a parfois trouvé le temps un peu long à seulement regarder la mer... Il lui était en effet difficile de lire longtemps, et nous n'avons jamais joué à des jeux de société ou autre distraction en mer.

. L'inconfort des bancs en bois est devenu douloureux pour notre séant après des séances de plusieurs heures par jour !

. Le soleil était parfois brûlant, surtout dans la partie équatoriale de la traversée. Peut-être serait-il possible d'installer un bimini pour faire un peu d'ombre.

. Un peu de documentation sur les points d'intérêt serait intéressante, comme un livre sur les oiseaux de l'Atlantique, sur les Sargasses, la navigation astronomique...

. Nous regrettons de n'avoir pas pu essayer la manipulation du sextant, faute de matériel.

. Le bruit du moteur et du pilote automatique, pénible dans notre bannette, nous a parfois empêché de dormir.

. De même que la chaleur la nuit après avoir passé l'équateur. L'achat de ventilateurs à Salvador a été très appréciable !

. La bannette était un peu encombrée par les vêtements, un peu de rangement serait faisable si on ajoutait des crochets pour en suspendre une partie.


En conclusion, à la question : si c'était à faire en connaissance de cause, seriez-vous partis ? Sans hésitation la réponse est oui. Cette transat sur La Nébuleuse a été une belle aventure !

14-01-2025

Le certificat de baptême du passage de la ligne de l'équateur a été remis le 13 janvier, avant de quitter La Nébuleuse 

15-01-2025

La Nébuleuse quitte le ponton du port de Salvador avec un équipage recomposé de 13 marins

La Nébuleuse en route pour Recife

A voir l'article du 16 janvier sur Ouest-France https://www.ouest-france.fr/mer/recit-partis-de-bretagne-ces-paimpolais-debarquent-au-bresil-apres-une-transatlantique-en-voilier-e25073f6-d28a-11ef-b406-af013b65761f

Sur France Inter https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/chroniques-littorales

Le 19 mars, La Nébuleuse est dans le port de Horta aux Acores

Le 27 mars, La Nébuleuse arrive à Douarnanez

Document :
Pdf1. carnet-chant-2024.pdf